La communication, une clé pour combattre le sexisme ordinaire

Par Véronique Kämpfen, membre du comité

Tout au long de ma carrière, j’ai travaillé dans des milieux à forte majorité masculine. Pourtant, il ne s’agissait pas de secteurs particulièrement techniques, mais c’était ainsi, avec une prédominance masculine se renforçant plus je montais dans les strates hiérarchiques.

Au fond, ça ne m’a jamais vraiment dérangée, surtout que j’ai vu les choses évoluer au fil de temps : plus de mixité, moins de blagues pas drôles sur les blondes en pleine séance (véridique), moins d’hommes qui en venaient aux mains en réunion (véridique bis !). Bref, la situation va globalement dans le bon sens. Je constate une réelle prise en compte des enjeux de mixité, de diversité et d’inclusion, et une certaine retenue, un degré de bienséance plus élevé, toutes composantes très agréables et somme toute normales dans le monde professionnel.

Pourtant, je forme le vœu, modeste, que les petits moments de sexisme ordinaire s’effacent au profit d’une meilleure considération des femmes. Exemple récent : au cours d’une séance de haut niveau, la gestion d’un projet d’envergure a été évoquée. Les trois personnes clé pour l’atteinte de l’ambitieux objectif dont il était question ont été nommées : deux hommes, présentés avec leurs prénom, nom, fonction, et une femme, présentée avec son prénom seulement. « Désolé, je ne me souviens plus de son nom, mais elle est business analyste.»

C’est ce genre de petits riens que j’appelle sexisme ordinaire. Pas méchant, pas vraiment voulu, presque excusable – ce n’est pas grave, ça peut arriver d’oublier un nom.

En réalité, c’est symptomatique. Jamais on n’oublie le nom des hommes, simplement parce qu’on les nomme toujours avec leur nom de famille. Ça commence déjà à l’adolescence, où les garçons s’appellent souvent ainsi, et ça se perpétue dans le monde professionnel, même sans ajouter « Monsieur » avant le nom de famille. C’est très rare s’agissant des femmes ou des filles. Et je ne compte plus le nombre de fois où on m’a présentée au cours d’une réunion ou d’un cocktail uniquement avec mon prénom. J’ai depuis longtemps pris le pli de compléter mon pédigrée par moi-même.

Je ne veux pas jeter la pierre aux hommes. Les femmes ont aussi cette tendance de personnaliser davantage les femmes par leur prénom. Mon propos est ici de sensibiliser chacune et chacun à cette thématique.

La prochaine fois que vous prendrez la parole pour parler d’une femme dans une séance, pour la présenter dans un moment plus convivial, pensez à lui donner un nom. Un prénom, c’est bien, mais utilisé seul, c’est soit infantilisant, soit intime. Ni l’une ni l’autre de ces options n’est défendable dans le milieu professionnel.

Dans ce contexte sensible, comme dans d’autres, l’art et les codes de la communication prennent tout leur sens. Un mot – ou le manque de celui-ci – n’est jamais anodin. Les spécialistes en communication en sont bien conscients, eux qui soupèsent chaque phrase à l’aune de l’effet qu’elle aura sur autrui. Il n’en va pas autrement dans la communication interpersonnelle.

V.K.