La fin de l’innocence

Par Philippe Amez-Droz, vice-président

Je ne sais pas vous, mais moi la mort de Jean-Louis Trintignant m’a rendu nostalgique. Sans doute est-ce l’évocation de sa vie dans les médias. Tout à la fois magnifique par l’œuvre, les rencontres et tragique par la mort de ses deux filles, la petite Pauline d’abord, puis Marie, tuée à coups de poing par son compagnon. La vie de Jean-Louis Trintignant marque aussi une époque, celle d’un 20e siècle où tous les excès furent permis et même revendiqués. La prise de conscience de la crise climatique, la guerre en Europe, la douleur mais aussi la colère des minorités longtemps ignorées à travers toute la planète… ce premier quart du 21e siècle marque un tournant, celui de la fin de l’innocence. Nous les sexagénaires qui burent jusqu’à plus soif toutes ces impressions de liberté, souvent futiles, devons accepter d’avoir des comptes à rendre: à nos enfants d’abord, à toutes les générations à venir en fait. Il va falloir mettre ce 20e siècle au rencard et accepter de porter encore longtemps les vanités que seul le poète sait balayer en quelques vers:

Le corps de Marie ne fut point une chose;
ta poitrine sur ton cœur est beaucoup plus close;
et même si ta douleur veut qu’il s’expose:
il n’est jamais plus exposé qu’une rose.

Rainer Maria Rilke extraits de «A une amie», Vergers et autres poèmes français, Poésie/Gallimard.

PAD

Jean-Louis et Marie Trintignant. (Google Image)