

La RSE est plurielle
« Outre son terrible bilan humain, la pandémie de Covid-19 a détruit l’équivalent de quelque 400 millions d’emplois dans le monde au cours du premier semestre 2020. (…) La volonté commune de soutenir les entreprises, de sauver des emplois et de protéger le revenu pendant la pandémie doit maintenant céder la place à un engagement de même ampleur pour reconstruire en mieux.» C’est le constat que fait Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail, dans la préface de l’ouvrage Des entreprises plus fortes – guide pratique de responsabilité sociale et environnementale, coédité par la Fédération des Entreprises Romandes Genève et le Centre patronal.
Le ton est donné, l’incitation claire: pour permettre un développement économique durable, l’avenir doit être responsable, tant sur le plan humain qu’environnemental. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un sujet largement débattu, qui prend ses racines dans une prise de conscience collective remontant à plus d’une dizaine d’années. En 2018, une étude de Deloitte montrait que sur un échantillon de onze mille entreprises dans le monde, 70% étaient conscientes de la nécessité de devenir plus durables, mais seules 30% des organisations avaient sciemment mis en place ce type d’actions.
Plus proche de nous, sur un plan géographique et temporel, une étude de l’Institut de recherche appliquée en économie et gestion, parue en avril 2021 et conduite auprès de 262 entreprises membres de la Chambre de commerce et d’industrie de Genève, montrait que 94,6% des répondants estimaient que la RSE a un impact positif sur la réputation de l’entreprise, mais que seules 13% d’entre elles avaient déjà effectué un bilan carbone de leurs activités et 30% une analyse de l’égalité salariale entre femmes et hommes.
L’intérêt pour la RSE est donc bien présent, mais il semble encore nécessaire d’activer des incitatifs pour aller davantage dans cette direction, le changement étant manifestement lent à concrétiser. Pourtant, en termes de performance économique, la RSE est un bienfait, ce qui devrait être en soi un argument suffisant pour sauter le pas. Une étude menée en 2016 déjà par France Stratégie notait que les entreprises françaises comptant au moins dix salariés et qui mettent en place une stratégie RSE atteignent en moyenne une performance économique de 13% supérieure à celle des entreprises qui ne le font pas. Ces résultats sont intéressants parce qu’ils montrent que la RSE est aussi bénéfique à de petites entreprises, ce qui tord le cou à certaines idées reçues qui voudraient que c’est un sujet qui ne peut être apprécié que par les grandes structures. Dans la même veine, une étude du Financial Times montre que la majorité des portefeuilles pondérés en faveur des entreprises affichant de meilleurs scores RSE ont surpassé leurs indices de référence de 81 à 243 points de base au cours des quatre années précédant mars 2018.
Les chiffres étant souvent abstraits, il est inspirant de lister quelques exemples d’entreprises proches de chez nous qui ont concrètement mis en place les principes de RSE.
L’exemple de Caran d’Ache
Caran d’Ache, société bien connue du bout du lac, spécialisée dans les outils d’écriture, a pris de nombreux engagements en matière de développement durable et en a intégré les principes dans sa conduite des opérations. Des vernis à l’eau remplaçant les vernis à base de solvants ont été développés, ce qui diminue considérablement les émissions de composants organiques volatils. Avec ses 800 m2 de panneaux solaires et un système de chauffage nourri par 80 tonnes de copeaux de bois provenant de la production des crayons, la manufacture a fortement baissé ses émissions annuelles de CO2. Caran d’Ache est en outre partenaire des Établissements publics pour l’intégration et a mis en place un atelier qui accueille quotidiennement une douzaine de collaborateurs en situation de handicap ou de réinsertion professionnelle.
Autres exemples: Ethos et Givaudan
De son côté, Ethos Services SA s’est spécialisé dans le domaine de l’investissement responsable. Une large gamme de produits et de services entièrement dédiés au développement durable est proposée à ses clients, qui sont principalement des investisseurs institutionnels. Les services d’Ethos comprennent des fonds d’investissement, des indices, des analyses de vote par procuration, y compris des recommandations de vote, des programmes d’engagement des actionnaires, ainsi que des évaluations de durabilité des entreprises.
Dans le secteur des arômes et parfums, Givaudan recense les chaînes d’approvisionnement des principales matières premières d’origine naturelle qu’utilise l’entreprise et collecte des informations sur le rôle, l’importance et l’emplacement des fournisseurs intermédiaires, jusqu’au niveau des exploitations. Chaque chaîne d’approvisionnement est ensuite comparée à la politique de Givaudan en matière d’approvisionnement responsable, qui inclut, entre autres thèmes, le travail forcé et le travail des enfants. En présence de risques ou d’écarts, l’entreprise s’assure que les fournisseurs concernés adoptent des mesures d’amélioration.
Dernier exemple, celui de Softweb, un incubateur de projets solidaires et un centre de compétences pour l’innovation sociale. L’organisation met à disposition un espace de coworking solidaire et accompagne les entreprises dans la mise en place et le renforcement de politiques de promotion de la diversité en entreprise, comme le temps partiel, la conciliation des vies professionnelle et privée ou encore la promotion des femmes en entreprises.
Pas de recette unique
Ce que montrent ces exemples, c’est que la RSE est plurielle et qu’il est possible d’agir sur de nombreux plans. Il n’y a pas de recette unique pour s’engager sur cette voie. L’essentiel est de s’y mettre puis, idéalement, de le faire savoir, tant en interne qu’à l’externe. La RSE, c’est aussi cela: communiquer sur les efforts entrepris et en faire régulièrement le bilan. Procéder de cette manière permettra de créer un cercle vertueux et de passer à la vitesse supérieure. Il est grand temps.
Véronique Kämpfen
Membre du comité