La vigne à Genève en 2050
Par Jacques Jeannerat
Quelques réflexions sur la vigne à Genève en 2050. La première chose à dire, c’est que la durée de vie d’un pied de vigne se compte en plusieurs décennies. Donc, bon nombre de parcelles qui produisent du raisin aujourd’hui pourront encore en produire en 2050. 2050 c’est dans 28 ans. Comment étaient le vignoble genevois il y a 28 ans, soit en 1994 ? On le sait, la grande évolution œnologique genevoise, qui porte ses fruits aujourd’hui, date du début des années 1970. Le chasselas notamment a subi, à cette époque, des attaques profondes. Devenu sujet de discussions quasi philosophiques, le vin genevois ne pouvait que tendre vers l’amélioration. Nombreux ont été ceux qui pensaient alors que le chasselas ne pouvait pas, à Genève, donné un vin de qualité.
Mais les viticulteurs ont refusé de baisser les bras. Ils ont travaillé avec acharnement sur ce cépage. Ils ont su adapter leur production pour faire aujourd’hui du chasselas un vin qui fait partie du terroir genevois.
C’est aussi dans les années 1970 qu’ont été créés et plantés les premiers plants de gamaret et de garanoir, issus d’un croisement de Gamay et de reichensteiner. Ces nouveaux cépages avaient notamment pour objectif de mieux résister à la pourriture, nécessitant ainsi moins de traitements. Aujourd’hui, ils ont atteint leur maturité et leur qualité sont largement reconnues.
Nous observons actuellement deux phénomènes. Le premier est d’ordre climatique. En effet, et quel qu’en soit la cause, le climat se réchauffe. Les viticulteurs genevois en ont d’ailleurs profité pour planter des cépages qui, auparavant, produisait du vin plus au sud, comme le Viognier. Le deuxième phénomène observé est lui d’ordre sociologique. Depuis quelques années, la population veut davantage consommer à la fois local et à la fois des produits ayant subits moins de traitements chimiques.
C’est ainsi qu’est né, en 1996, au centre de recherche d’Agroscope, un nouveau cépage baptisé divico (croisement entre le gamaret et le bronner). Il permet de réduire drastiquement l’utilisation des produits phytosanitaires. Il permet en effet de lutter plus écologiquement contre les maladies fongiques et la pourriture. Pour en avoir dégusté, je peux vous assurer qu’il surprendra.
Ces créations de nouveaux cépages sont en train de dessiner la vigne de Genève en 2050. D’autres cépages ont été créés dernièrement par Agroscope, avec une palette aromatique méridionale, tous dotés d’une bonne résistance. Les premiers essais de plantation à Genève sont menés par la station cantonale de la viticulture avec le vignoble de l’Etat. Ils sont tous issus de croissement avec notamment le Gamaret. Ils ont pour nom – il va falloir s’y habituer – caberrello, cornarello, gamarello, merello ou encore nerolo.
Un danger toutefois. Nous avons déjà à Genève beaucoup – trop ? – de cépages différents pour une surface relativement modeste de 1400 hectares. Cette diversité est à la fois une richesse et un inconvénient qui a tendance à diluer la visibilité commerciale. Il y a en effet parfois, sur un domaine de 5 hectares, jusqu’à 15 vins différents. Je ne suis pas sûr que ce soit efficace sur le long terme. Alors, avec l’arrivée de ces nouveaux cépages, qui seront à maturité en 2050, il faudra faire des choix. Des collectifs et des choix individuels par domaine. Alors, pourrons-nous encore boire du chasselas à Genève en 2050 ? Assurément oui. Mais incontestablement sa proportion va diminuer par rapport à aujourd’hui.
J.J.
