Les Suisses et les médias. La Confédération au chevet des médias. Bonne nouvelle?

La presse est économiquement à la peine depuis longtemps. La crise sanitaire du coronavirus et l’arrêt des activités économiques qu’elle a entraîné a poussé certains titres à mettre la clé sous le paillasson. Adieu Régional et Micro, sacrifiés sur l’autel du manque de revenus publicitaires, aggravé par la pandémie. Les annonceurs, investissant déjà largement dans les espaces publicitaires des géants du web en temps normal, se sont complètement détournés de la presse écrite ces derniers mois. D’autres titres font face à des difficultés majeures et sont contraints de licencier, comme L’Illustré ou The Economist.

Ce qui est rageant, c’est que ces difficultés surviennent alors que les médias ont rarement été autant consultés. Pendant la crise sanitaire, les journalistes ont travaillé d’arrache-pied non seulement pour informer sur l’évolution de la situation sanitaire partout dans le monde, mais aussi pour rétablir les faits, alors que les réseaux sociaux se trouvaient submergés par les fake news.

Face à cette réalité, les parlementaires fédéraux ont décidé de venir en aide à ce secteur sinistré. Ainsi, depuis le 1er juin, les quotidiens et les hebdomadaires en abonnement de la presse locale et régionale avec un tirage ne dépassant pas 40’000 exemplaires seront distribués gratuitement pendant six mois dans le cadre de la tournée régulière de La Poste. Pour cette mesure, un montant de 12,5 millions de francs est prévu. De plus, la Confédération participera temporairement et à hauteur de 5 millions de francs aux coûts de la distribution des titres avec un tirage plus élevé. Dans les deux cas, un soutien n’est accordé qu’à la condition que les éditeurs s’engagent à ne pas verser de dividendes pour l’exercice 2020 sous peine de devoir restituer les montants perçus. De leurs côtés, les radios et télévisions locales seront directement soutenues par une enveloppe de 30 millions de francs issus de la redevance radio-TV. Enfin, la Confédération prendra en charge pendant six mois les coûts de l’agence de presse Keystone-ATS facturés aux médias électroniques.

Les médias ont pu, pendant ces mois de régime d’exception, profiter, comme les autres entreprises, des mesures mises en place par la Confédération, dont notamment le recours à la réduction de l’horaire de travail et les crédits-relais à taux zéro. Pourquoi fallait-il faire davantage pour ce secteur d’activité? Sans doute parce que les médias participent au premier chef à la formation d’opinion et, ainsi, au bon fonctionnement de la démocratie suisse. Leur diversité est nécessaire et tous les courants doivent pouvoir être représentés. Ce n’est pas le cas partout dans le monde, loin s’en faut. Denis Masmejan, secrétaire général de la section suisse de Reporters sans frontières, expliquait début avril dans un article paru dans Le Courrier que « des gouvernements qui ne sont pas amis de la liberté de la presse se sont empressés d’introduire des limitations: la Chine contrôle complètement l’information et a bâillonné le premier médecin ayant lancé l’alerte ainsi que des blogueurs ayant parlé de la réalité de la pandémie. L’Egypte a instauré des mesures d’exception. La Hongrie a muselé les médias dans ses mesures destinées à lutter contre la crise. La liste serait longue. De telles décisions ne sont pas acceptables. Le débat public doit rester libre ».

La crainte de voir émerger en Suisse un journalisme à la botte des dirigeants qui paient pour la survie des titres est sans doute infondée, les mesures proposées étant majoritairement temporaires ou relevant d’une extension de l’aide indirecte à la presse, qui est un système éprouvé. L’aide à la presse, quelle que soit sa forme, doit être contenue au maximum. Il en va de la crédibilité des médias et de leur identité en tant que secteur économique, libre d’agir en fonction de ses propres intérêts et de ses propres opinions.

Véronique Kämpfen
Membre du comité