CARREFOUR MEDIA 45  | RÉSEAUX SOCIAUX

Si internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité

La mobilisation sur le climat a été lancée sur les réseaux sociaux. Le public visé, jeune, s’est immédiatement senti concerné, d’autant plus que les messages passaient par les médias qu’ils utilisent le plus. L’ampleur de la mobilisation n’aurait certainement pas été la même sans ces outils digitaux. Une des demandes fortes de ce mouvement pour le climat est de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en prenant moins l’avion. L’aviation civile est en effet responsable de 2% de ces émissions au niveau mondial, ce qui n’est sans doute pas glorieux, mais toujours moins préoccupant que les émissions causées par les véhicules motorisés, qui en représentent 8%.

Observer les tendances

Ce qui est également intéressant d’observer dans ce domaine, ce sont les tendances. Quelles sont les industries qui ont des émissions en augmentation? Si l’on veut être efficace à long terme, ce sont surtout celles-ci qu’il faut réformer. Et là, on se rend compte que l’un des domaines qui représente aujourd’hui déjà 3,7% des émissions de CO2 – soit le double des avions – et qui a une augmentation de 9% de ces émissions par année est le secteur des technologies de l’information et de la communication (ICT). En bref, internet et tout ce qui lui est lié est un gouffre écologique: réseaux sociaux, streaming et cloud ont besoin de serveurs extrêmement gourmands en énergie. En 2025, la branche pèsera 8% des émissions de gaz à effet de serre. Et la tendance ne va pas aller en s’inversant; les pays émergents qui ne sont pas encore connectés de manière optimale le seront bientôt. De manière mathématique, le nombre de consommateurs d’internet va donc augmenter et, avec lui, la consommation d’énergie. De plus, le visionnement de vidéos, qui représente 82% du trafic internet en 2018, est une habitude qui va croissant. Pour répondre à quel besoin? Majoritairement le divertissement. C’est d’autant plus préoccupant que cette activité en ligne est la plus gourmande en énergie: regarder une vidéo en ligne pendant dix minutes équivaut à envoyer des e-mails avec des pièces jointes pendant 5 heures sans discontinuer!

Le numérique: 15% de l’électricité mondiale

Si internet était un pays, il serait le troisième plus gros consommateur d’électricité, juste après les Etats-Unis et la Chine. Le numérique consomme 15% de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de cent réacteurs nucléaires! Bientôt, il sera la première source de pollution. Pourtant, les jeunes qui marchent pour le climat ont été sensibilisés à cette cause majoritairement grâce au web, ils protestent dans les rues le smartphone visé à la main, prennent des vidéos de ces manifestations et les diffusent largement, contribuant ainsi non seulement à faire émerger une conscience en faveur du climat, mais surtout en polluant, sans en être conscients. Greta Thunberg, l’égérie de ce mouvement, demande que les politiciens et les adultes «paniquent» face à l’urgence climatique. Elle demande qu’on ne prenne plus l’avion et, si possible, pas la voiture non plus. Mais demande-t-elle que l’on renonce aux téléphones portables? Condamne-t-elle les réseaux sociaux? Fustige-t-elle le visionnement de vidéos en ligne? Non. Elle s’appuie sur ces outils pour faire parler du climat. Schizophrénie? Non. Air du temps.

Changer nos habitudes?

Que faire? Tout d’abord prendre conscience du fait que le web n’est pas immatériel et qu’il est un des premiers consommateurs d’énergie. Ensuite, comme pour tout ce qui touche au climat, changer nos habitudes et en parler autour de nous. En 2018, 88% des Français changeaient leur portable alors que l’ancien fonctionnait encore. Nous sommes tous victimes d’effets de mode, très présents dans les nouvelles technologies. Faire durer les équipements électroniques est un premier bon réflexe, sans parler de l’incidence positive sur le porte-monnaie! Si nous achetons du matériel électronique, il faut prendre un modèle réellement adapté aux besoins: nous faut-il un ordinateur portable ou une tablette, moins énergivore, suffit-elle? Avons-nous besoin du dernier smartphone dont nous n’utiliserons pas la moitié des fonctionnalités, alors qu’un modèle plus simple, donc moins gourmand en énergie et en ressources naturelles pour sa fabrication, irait aussi très bien? Une fois les appareils achetés, il faut en limiter la consommation d’énergie. Au bureau, c’est le premier poste de consommation électrique et, à la maison, le deuxième. Mettre systématiquement les appareils en veille ou, encore mieux, les débrancher, permet d’économiser jusqu’à un quart d’énergie par an. Enfin, il faut utiliser internet de façon responsable: l’impact écologique d’un e-mail dépend notamment du poids des pièces jointes, du temps de stockage sur un serveur et du nombre de destinataires. Il s’agit d’éviter de mettre inutilement des personnes en copie des messages, de supprimer les e-mails lus, de réfléchir avant de mettre une pièce jointe et de la réduire au minimum. Quant aux demandes via des moteurs de recherche, elles sont loin d’être écologiques: en allant directement à l’adresse d’un site, on divise par quatre les émissions à effet de serre. Enfin, le stockage local est préférable au cloud, qui implique, à chaque consultation des données, des allers-retours entre utilisateur et serveurs.

Internet est une avancée technologique majeure qui a entraîné des changements profonds au niveau de notre manière de travailler, de communiquer, de nous divertir. Prenons conscience de son impact écologique, qui va s’accroissant. Questionnons-nous sur notre consommation, souvent compulsive et vaine des réseaux sociaux et des vidéos en ligne. On se rend vite compte qu’il n’est pas bien difficile de la réduire.

Véronique Kämpfen