Violence chez les jeunes, une bombe à retardement

Par Lorin Voutat, membre du comité

 

Aujourd’hui, on constate une recrudescence importante de la violence chez les jeunes et en particulier dans le milieu scolaire. Nous allons essayer de comprendre les raisons de ce phénomène plus qu’inquiétant pour notre société et voir quelles solutions apporter pour lutter contre ce fléau envahissant.

Facteurs de risque

Plusieurs raisons expliquent cette augmentation par certains facteurs de risque dont les principaux sont cités ci-après :

  1. L’éducation problématique des parents comme par exemple leur désengagement, une surveillance insuffisante ou encore une surprotection
  2. L’absence du père ou son incapacité à exercer son rôle
  3. Les loisirs non structurés
  4. Les absences précoces et répétées à l’école
  5. L’abus ou la violence dans le foyer qui devient la norme
  6. Les différences sociales et économiques entre les jeunes
  7. Les réseaux sociaux où pullulent vidéos et informations violentes

Ces facteurs peuvent se cumuler et mutuellement se renforcer. La probabilité que des jeunes deviennent des délinquants violents reste faible tant qu’ils sont exposés à un petit nombre de ces facteurs de risque. Ce n’est qu’avec le cumul de ceux-ci et sur une certaine période que l’attirance pour la violence peut devenir plus perceptible et problématique.

Mesures

Des mesures de protection sont à mettre en place afin de contrebalancer ces facteurs de risque :

Par exemple, le développement, avec les jeunes, de relations constantes et de confiance avec les personnes de référence est à développer.

La création d’expériences positives et d’environnements stimulants favorisent favorablement la lutte contre la violence.

L’école n’est pas épargnée

On constate que cette violence est aussi dirigée contre le personnel enseignant de Suisse romande : insultes, menaces, intimidations. Deux tiers des enseignants alémaniques font face à des agressions, selon une étude. En Suisse romande, le phénomène existe aussi, bien qu’il n’ait pas encore été quantifié dans tous les cantons.

En avril 2023, un sujet de la RTS relatait des actes de violences commis sur des professeurs dans différents établissements jurassiens. Ce n’est hélas pas l’apanage du Jura. Parfois même, des actes très violents sont le fait de très jeunes délinquants.

« Subir des violences, c’est recevoir des coups de pied dans les tibias, des coups de poing dans le ventre, des coups de tête » déclarait une enseignante à la TV.

Pour beaucoup d’entre eux, le climat de travail s’est fortement dégradé.

Voici quelques temps, on constatait des actes violence graves au Cycle d’orientation de Pinchat à Genève sans que la Direction du DIP, à l’époque, ne veuille prendre les mesures qui s’imposaient.

Il ressort d’une étude réalisée en2021 et publiée par l’UNICEF, qu’un enfant sur trois subit des violences dans le milieu scolaire en Suisse.

En discutant avec des enseignants, on apprend qu’ils souhaitent vivement que les Autorités prennent des mesures pour qu’ils disposent d’outils pour se protéger et que des solutions soient étudiées pour faire de la prévention.

Sinon, comme le constate amèrement la Maman du jeune Aaron en 4 P à Genève, les enseignants, faute de savoir comment résoudre les conflits, se détournent des actes perpétrés dans le préau ou même en classe et laissent leurs élèves se débrouiller seuls. Triste réalité…

Cyberharcèlement

Depuis quelques années une violence plus pernicieuse, le cyberharcèlement  est apparu Celui-ci prend des proportions toujours plus qu’inquiétantes, et ce n’est pas uniquement en France où plusieurs cas ont abouti au suicide de jeunes victimes. Ce phénomène a une forte tendance à se développer également dans nos régions. Très souvent, il reste caché tant les souffre-douleurs ont honte de dénoncer leurs agresseurs.

Aujourd’hui, il est essentiel que les jeunes apprennent à répondre à cette violence et à ce cyberharcèlement afin de se prévenir et de se positionner face à ces  agressions.

L’école privée épargnée ?

La situation semble différente dans les écoles privées. Alain Moser, CEO de l’école éponyme relève que la violence n’est pas présente dans son école. Nathalie Brunel, CEO de l’École Bersot tient un discours similaire. Elle explique que le nombre restreint d’élèves facilitent la prévention. Tous deux, sensibles à cette problématique font appel à des intervenants externes pour instaurer un dialogue bénéfique. Pour certains parents, mettre leur enfant dans une école privée est une obligation pour qu’il puisse poursuivre leur scolarité sans la violence subie dans le domaine public.

Développer l’éducation émotionnelle

Pour Delia Mamon, fondatrice de Graines de Paix, changer un élève d’école n’est pas une solution optimale. Elle y voit aussi une forme de violence.

Pour elle, il s’agit d’agir plus profondément en aidant l’ensemble des élèves à développer leurs compétences socio émotionnelles (éducation émotionnelle), et de leur permettre par ce biais à développer  leur capacité à dépasser leur réflexe d’agression ou de victime à répétition ou de témoin passif.

La Fondation Graines de Paix a développé un projet destiné aux centres socio-culturels de Suisse Romande pour prévenir les différentes formes de violence subies et perpétrées durant l’adolescence intitulé « AdoGoZen ».  Nos Autorités seront-elles séduites par ce projet ?…

Claudine Gachet, fondatrice de l’association genevoise Face à Face s’inquiète – non pas de l’augmentation de la violence – mais du fait que les adolescents deviennent de plus en plus violents. Et que les filles emboîtent le pas par mimétisme aux garçons auxquels elles n’ont rien à envier.

Face à Face propose des thérapies pour apprendre aux jeunes à maîtriser leur violence et à éviter la récidive. Claudine Gachet voit un profond changement de société parmi ces jeunes qui sont de plus en plus exposés aux réseaux sociaux qu’ils peinent trop souvent à gérer.

Agissons sans délai

Comme le rappellent les spécialistes de ce domaine, le recours à la violence est fréquemment la manifestation d’un désir de tester ses limites et de trouver sa place dans la société ou de s’affirmer. Dans de très rares cas, ces transgressions marquent le début d’une carrière criminelle. Il n’en demeure pas moins qu’il est important de déceler suffisamment tôt les signes récurrents d’un comportement antisocial afin d’empêcher que celui-ci ne devienne chronique.

Ne nous cachons pas. La violence chez les jeunes est un sujet que l’on se doit de regarder en face et de prendre sans délai toutes les mesures appropriées pour la faire reculer. Faute de quoi, le climat d’insécurité au sein des écoles et dans la rue va encore augmenter.

Qui voudrait voir la fiction d’Orange Mécanique devenir réalité ?…

 

L.V.